le presbytère de Coulommes 2ème partie

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La Terreur et les persécutions religieuses déciment le clergé. Certains prêtres réfractaires à la Constitution civile du clergé refusent de prêter le serment de fidélité que l'Assemblée exige d'eux. Ils sont démis. C'est le cas de Jacques Marie CAPY. D'autres, bien qu'ils aient accepté de prêter ce serment, restent suspects aux yeux des républicains les plus extrémistes, et finissent par abandonner leur sacerdoce. C'est le cas de Nicolas Elie DORIVAL, successeur de Jacques Marie CAPY à Coulommes. En 1793, l'église de Coulommes n'a plus de prêtre desservant et le presbytère n'est probablement plus occupé.

 

constitution civile du clergé

Des citoyens "aident" leur curé à prêter serment à la constitution civile du clergé.

 

En novembre 1789, l'Assemblée Nationale a décrété la mise à la disposition de la Nation des biens de l'Eglise, et ceux-ci sont progressivement mis en vente. La vente du presbytère de Coulommes a lieu le 5 vendémiaire de l'an V de la République (c'est à dire le 26 septembre 1796 "ancien style"). A cette date, la maison curiale, comme on l'appelle aussi, dépend de la fabrique de l'église (il s'agit des biens appartenant à une église paroissiale, administrés par un conseil de fabrique composé de paroissiens généralement élus et présidé par un marguillier). Après le décès du curé THURET en 1756, le presbytère a donc été dévolu à la fabrique. Des terres, appartenant elles aussi à la fabrique, seront vendues au même acheteur un mois plus tard. 

 

L'acte de vente, conservé au Archives Départementales, est plus détaillé que l'acte de naissance du presbytère:

«Le cinq vendémiaire l'an cinq de la République française une et indivisible.

Vente du presbytère et dépendances provenant de la ci-devant fabrique de Coulomme.

Au citoyen Nicolas Tronchon cultivateur demeurant à Fosse Martin, commune de Bez canton d'Acy département d'Oise.

Ci-devant presbytère de la commune de Coulommes, canton de Crécy, ancien District de Meaux, avec toutes se dépendances, consistant en

Premièrement au principal corps de logis composé d'un vestibule dans lequel se trouve escalier, à droite une salle à cheminée, à gauche une autre salle aussi à cheminée, attenant une cuisine, un four qui est par dehors; au premier étage trois pièces dont deux à feu et un cabinet; au-dessus deux greniers couverts en tuile.

2è attenant une grange de deux petites travées couverte en tuile dans laquelle il y a une écurie et un cellier.

3è en retour un petit colombier aussi couvert en tuile avec toit à porc dessous.

4è attenant au colombier un hangar couvert en paille.

5è une cour dans laquelle est un cabinet d'aisance couvert en tuile.

6è un jardin potager garni d'arbres en espalier.

Ces bâtiments, cour et jardin contenant vingt huit perches ou environ, mesure d'ordonnance, attenant au levant à la rue de Courcelles, au midi à la Grande rue, au couchant à la ruelle qui conduit à la grange des dîmes, et au nord à la place.

7è en outre une grange de quatre travées servant ci-devant de grange es dîmes appartenant au ci-devant Chapitre de Meaux comme décimateur par indivis avec le curé, et une place attenant d'environ cinq perches mesure d'ordonnance, tenant au levant à la ruelle, au midi à la Grande rue au couchant et au nord au C. Roze.

prix: 2.880 livres.»

 

Ce document énumère plus complètement les différentes pièces et éléments composant le logement du prêtre desservant: vestibule, escalier, salles, cuisine, cabinet, grenier; et même certains équipements: salles ou pièces à feu, c'est à dire avec cheminée, et four. Il détaille des dépendances que le premier document ne mentionnait pas: grange contenant écurie et cellier, petit colombier avec toit à porc, hangar, cour avec cabinet d'aisance, jardin potager. Rien ne dit si les autres édifices ont été bâtis du temps d'Alexis THURET ou ultérieurement. Quoi qu'il en soit, comme on le voit, le curé dispose de tout ce qui, à l'époque, permet une vie confortable. Si on considère que la cure comporte également 16 arpents de terres labourables, clos, prés et vignes (6,6 hectares) et procure en 1790 un revenu annuel de 1.200 livres (66 ans plus tôt, le gros œuvre du presbytère avait coûté 500 livres au curé), on peut dire que la paroisse de Coulommes, pour modeste qu'elle soit, n'est certes pas désagréable pour son desservant, sur le plan temporel tout au moins...


 plan Quincy b

Sur ce plan-terrier de la famille Boula de Quincy (1754), on distingue le presbytère face à l'entrée de l'église Saint-Laurent.

 

Notons que l'acte de vente inclut même la "grange es dimes", qui pourtant, appartient en partie au Chapitre de Saint Etienne de Meaux. Par ailleurs, il précise la situation topographique du presbytère dans le village: entre la rue de Courcelles, la Grande Rue, la ruelle de la Dimeresse et la place. En fait, pour transposer cette localisation dans les noms de voies actuelles, tout en se référant aux points cardinaux mentionnés, il faut lire "Place de l'Eglise" au lieu de rue de Courcelles, et rue de Courcelles au lieu de "la place". Il nous indique aussi la superficie couverte par ces bâtiments, cour et jardin: 28 perches ou environ, mesure d'ordonnance (aussi appelée mesure de Roy) ce qui représente donc un peu plus de 1.400 m². 

 

Enfin et surtout, cet acte de vente mentionne l'identité de l'acheteur, le "citoyen Nicolas Tronchon, cultivateur demeurant à Fosse Martin, commune de Rez canton d'Acy département d'Oise" (aujourd'hui Réez-Fosse-Martin). Pour qui connaît un peu l'histoire régionale, le nom de ce personnage doit évoquer quelque chose. A Meaux, une rue porte son nom, et son souvenir paraît être encore vivace, tant dans l'Oise où il vivait, que dans le Nord de la Seine et Marne.

 

Nicolas Charles TRONCHON, avocat au parlement en 1786, conseiller du roi à l'élection de Meaux et accessoirement receveur de la seigneurie de Bouillancy, posséde une ferme à Fosse-Martin.  En 1788, la récolte de blé a été très mauvaise, et des manœuvres spéculatives compromettent l'approvisionnement des marchés.  La disette menaçant, des troubles surviennent parmi la population. Nicolas TRONCHON, qui dispose alors d'importantes réserves, procure à un prix modéré tout le blé qui manque aux habitants de Meaux. Son geste lui vaut la gratitude de la municipalité qui fait frapper une médaille d'or en son honneur. Il est élu député de l'Oise à l'Assemblée Législative en 1791, et sera réélu pendant les Cent-Jours et sous la Restauration. Réformateur, plutôt que révolutionnaire, on connaît de lui des textes où il affiche des conceptions libérales.


 Nicolas TRONCHON

Nicolas Tronchon.

 

Bien que les deux transactions soient intervenues à un mois d'intervalle, on peut supposer que l'ancien presbytère et les terres de la fabrique composaient en quelque sorte un seul et même "lot". D'ailleurs, le prix de l'édifice représentait moins de 10% du total, et il est assez probable que Nicolas TRONCHON était surtout intéressé par la terre. Ces acquisitions constituaient sans doute des investissements fonciers pour ce "laboureur" fortuné. D'ailleurs, la suite tend à nous le confirmer.

 

En 1801, Bonaparte, Premier Consul, conclut avec le Pape Pie VII un Concordat qui reconnaît le catholicisme comme «la religion de la majorité des français». Le gouvernement nomme les évêques et les salarie, tout comme les curés. Cependant, ce n'est qu'en 1803 qu'un prêtre desservant est de nouveau affecté à Coulommes: c'est Claude BIENFAIT, ancien curé de Nanteuil lès Meaux, revenu d'exil à la fin des persécutions religieuses, qui est nommé à la paroisse.

Publié dans Monuments - édifices

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