Coulommes dans l'Antiquité.
J'ai décidé de ranimer temporairement ce blog en y publiant quelques articles initialement destinés à composer un ouvrage sur l'histoire de Coulommes.
Cet ouvrage ne verra pas le jour. Parti sous d'autres cieux, j'ai abandonné les recherches sur l'histoire de ce village où j'ai vécu pendant 33 ans.
Il faut se résoudre à ce qu'une grande partie du passé de Coulommes reste à jamais dans l'obscurité parce que plus on remonte dans le temps, moins on dispose d'archives.
Cependant, la présence de l'Homme à Coulommes bien avant l'époque historique est avérée. Lors de sa séance du 18 octobre 1877, la Société d'archéologie, sciences, lettres et arts du Département de Seine-et-Marne constate qu'un de ses membres, «M. Dumée offre un silex taillé, trouvé sur le territoire de Coulommes; il s'agit d'un outil dont la destination est problématique»1.
Lorsqu'il rédige la monographie de la commune pour l'Exposition Universelle de 1889, l'instituteur Cyprien Simon écrit:
« Le village de Coulommes existe depuis les temps les plus reculés. On peut faire remonter son origine au temps même des gaulois, et la preuve en est, c'est qu'on trouve sur son territoire, lorsqu'on y pratique des fouilles assez importantes, des haches gauloises en silex, des couteaux et des pointes de flèches de même nature. Le musée scolaire possède deux haches en silex trouvées ainsi, et plusieurs pointes de flèches.»2
S'il attribue à tort la datation des outils et armes en silex à l'époque gauloise, Cyprien Simon nous fournit tout de même une information importante. On sait aujourd'hui que de tels objets en silex ont été fabriqués et utilisés depuis les époques Paléolithique et Mésolithique (de 500.000 av J.C. à 5.100 av J.C.) jusqu'à l'époque Néolithique (de 5.100 av J.C. à 2.300 av J.C.). Le musée scolaire dont parle l'instituteur, ainsi que les objets qu'il contenait, ont disparu, et faute de pouvoir examiner ces derniers, il n'est pas possible de les dater. Dans les années 1950, Paul Bailly, alors directeur de l'école de Nanteuil-lès-Meaux, a découvert en bordure du ru du Mesnil à Coulommes un outil en silex, appelé biface, qu'il pensait dater du Néolithique.
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Ces objets peuvent sans doute être mis en relation avec des sites d'extraction et de taille de silex découverts à Bouleurs et à Férolles, hameau de Crécy-la-Chapelle 3 .
A l'occasion de prospections aériennes au cours des années 1980 et 1990, des traces de fossés comblés et de structures quadrangulaire et rectangulaires et fossés rectilignes sont détectées en divers points de la commune: lieux-dits Le Champ de Couilly, La Bretagne, Les Noues et Les Rossignols 4. Il peut s'agir d'anciens enclos, voire de bâtiments arasés, impossibles à dater sur la seule base de ces détections et faute de fouilles archéologiques, mais certainement préhistoriques.
Des vestiges archéologiques sont mis au jours en 1854 et font l'objet d'un article de journal:
« En exécutant des travaux à la sortie de Coulomme, sur la route qui, de ce village, se dirige vers le nord-ouest, ancienne voie romaine de Sens à Senlis, ou si l'on veut de Lyon à Boulogne, on a récemment trouvé et ramené à la surface du sol, quantité d'ossements qui se présentaient en assez grand nombre des deux côtés de la voie, dans une étendue de soixante mètre et plus. Les travaux ont rencontré en outre une sorte de long encaissement en pierres, composé d'un dallage bordé des deux côtés de pierres plates, posées de champ ayant une hauteur de 50 à 60 centimètres. Sur les dalles reposaient des ossements déjà fort brisés, recouverts d'autres pierres d'assez fortes dimensions. Tout cela a été bouleversé en partie par les travaux, mais quelques pierres à fleur de terre permettent de supposer qu'une portion de cette antique sépulture pouvait être encore intacte. M. l'ingénieur Marx a bien voulu donner des ordres pour que les précautions nécessaires soient prises, afin de conserver à l'étude de l'anthropologie ou de l'archéologie les crânes et les objets en silex ou en métal que pourraient receler les pierres encore en place.
Les ossements trouvés des 2 côtés de la voie appartiennent probablement à la période Gallo-romaine alors qu'avait pu être importé d'Italie l'usage des inhumations le long des routes, aux abords des villes et des bourgades. Quand à l'espèce de longue tranchée dallée ou kistven (coffre de pierres), elle semble indiquer des sépultures celtiques fort primitives, et remontant peut-être à trente cinq ou quarante siècles, c'est-à-dire au-delà de l'époque où les premiers habitants des Gaules en étaient déjà venus à un degré d'union d'efforts et d'industrie, qui leur permit de couvrir ou d'orner de pierres colossales, quelquefois amenées de fort loin, leurs sépultures privilégiées.» 5
Faute d'une description plus détaillée, faute de mention de mobilier caractéristique (armes, outils, poteries, parures), et parce que ces vestiges n'ont pas été étudiés, ni même conservés, il est délicat de les situer dans le temps. Toutefois, sur la seule base du contenu de cet article, on peut distinguer deux types d'inhumation et deux période possibles. Le "long encaissement en pierres, composé d'un dallage" fait tout d'abord penser à une allée couverte, mais en raison des faibles dimensions des pierres plates formant les côtés, il s'agit plus vraisemblablement d'une inhumation en coffre. Quoi qu'il en soit, dans les deux cas, il pourrait s'agir de vestiges de la culture Seine-Oise-Marne, remontant au néolithique (vers 3500-3000 av. JC).
L'autre partie de ces vestiges (des ossements nombreux ramenés à la surface du sol, donc vraisemblablement inhumés directement en terre), correspond sans doute à un cimetière gallo-romain. La grande étendue de leur dispersion et leur position en bordure de la voie et des deux côtés de celle-ci, ainsi que leur localisation en dehors de ce qui deviendra la localité de Coulommes, sont conformes à l'usage de cette époque qui voulait qu'on enterre les morts en dehors des agglomérations. La présence d'un cimetière relativement étendu fait penser à l'existence, à proximité, d'une bourgade déjà conséquente, plutôt qu'à celle d'un habitat isolé.
1. Bulletin de la Société d'archéologie … de Seine-et-Marne. Destouches. Meaux. 1884. Page 115.
2. Cyprien Simon. Monographie communale de Coulommes. Archives Départementales de Seine-et-Marne. Cote 30Z120
3. Christophe Borgnon : « Matières premières dans la vallée du Grand Morin. Un site d’extraction néolithique à Bouleurs». Bulletin du Groupement Archéologique de Seine-et-Marne, 1998-2001, pp. 5-21.
4. Jean-Noël Griffisch, Danielle Magnan, Daniel Mordant. Carte archéologique de la Gaule 77-1: La Seine-et-Marne. Académie des Inscriptions et Belles Lettres & all. Paris. 2008. Pages 460 et 461
5. Coupure de journal collectée par Frédéric-Auguste Denis. Dossier "Coulommes". Bibliothèque diocésaine Guillaume Briçonnet. Meaux